31/03/2013

Welcome to Fabulous Lost Vegas



J’ai lu récemment Lost Vegas de Paul McGuire, a.k.a Dr Pauly, connu par ailleurs pour son  influent blog Tao of Poker. Ce new-yorkais d’origine s’est installé depuis 2005 au Nevada puis en Californie. Il y mène des activités de journaliste freelance pour divers média spécialisés poker ou non. En 2005, il fut l’un des premiers journalistes à couvrir le tournoi principal des World Series of Poker. On est alors en pleine mutation sur la planète poker. Si l’influence texane reste encore prépondérante  - joueurs aux looks de cow-boy, casinos aux ambiances de saloon, règlements de compte dans les arrière-cours du downtown Vegas -, l’impact de la victoire de Chris Moneymaker aux WSOP en 2003 va définitivement changer la donne. Les casinos seront dorénavant et avant tout des hôtels de luxe situés sur le strip, et la tout juste naissante industrie du poker sera l’objet de toutes les convoitises du big business



McGuire dépeint à la fois le côté obscur du vrai Vegas – la misère sociale, la prostitution, la drogue, le cynisme d’un certains nombre d’acteurs – et la transition accélérée d’une forme de mythologie et de tradition à une autre. Si le roman est très autobiographique, l’auteur ne verse ni dans la complaisance ni dans le moralisme, se contentant de décrire ce qu’il a vécu, avec une plume particulièrement alerte. Par ailleurs, nul besoin d’être un spécialiste du poker pour s’y plonger, McGuire concentrant son attention sur les personnages, célèbres et anonymes, de cette comédie humaine si particulière. Gros plans donc sur les rêves de gloire des anonymes, de rédemption des bannis ou de gain des éternels losers. Le tout cruellement éclairé par la lumière si éblouissante du Nevada, celle qui inonde toute l’année cette ville à la puissante force de destruction. Saluons pour finir la traduction au plus juste de Benjo DiMeo, qui parvient à préserver du début à la fin toute la verve de la version originale.

Disponible aux éditions Inculte depuis 2011, ainsi que dans la boutique Winamax. 

09/03/2013

52ème de la Finale du Winamax Poker Tour


Finale du Winamax Poker Tour: Day1A

Le tournoi démarre avec 20.000 jetons et des niveaux de 40 minutes, qui passeront à 1h à partir du jour 2. Ludovic Lacay, Gaëlle Baumann, Michel Abecassis et Nicolas Levi sont de la partie. Seul ce dernier survivra au jour 1. Ma première table est vraiment random, avec une belle collection de joueurs tight-passifs sur ma gauche, et quelques joueurs décents de MTT à ma droite, dont le grinder online Anthony Penchenat, plus occupé à twitter qu’à observer la table.

Abecassis et Baumann rentrent en stop après leur élimination prématurée

(photo Grégoire Camuzet)


Niveau 1, 25/50: Je floppe assez rapidement un brelan hors de position face à 4 joueurs. Avec 44, je check raise le bouton sur un flop 348, puis je mise en value sur un T turn. Je decide de check/call la river 5 mais bouton check back. J’ai sans doute perdu de la value, je monte toutefois à 23K.


Niveau 2, 50/100: je floppe un nouveau brelan hors de position, mais bouton folde sur mon check raise au flop, qui contenait deux coeurs. Puis je passe un 3-bet respecté avec JJ. Up 25K.


Niveau 3, 75/150: Je raise fold UTG avec AQs après 3-bet de la serrure en UTG+1, qui annonce les rois. Fin du niveau, 25K.


Je prends un café à côté de Michael Mizrachi à la pause. Le grinder, titulaire de deux titres World Poker Tour et de trois bracelets WSOP est venu faire de la publicité pour l’ISPT Wembley, dont il est l’un des représentants officiels. Quelques photos et une video plus tard, il balancera son tournoi en misant 20 blindes in the dark (avec Q4). 

All in in the dark

Avant de reprendre, je félicite Benjo Gallen pour sa traduction française du Lost Vegas de Pauly McGuire, puis je prends une photo avec Antoine Saout dans les allées du Cercle Clichy-Montmartre.


En compagnie d'Antoine Saout #1


Niveau 4, 100/200: je raise 87o au hi-jack, payé par bouton. Je CB sur QT4o, vilain paye. Check/check sur turn 5. Je decide d’abandonner le coup quand surgit un As sur la river. Je pense que je peux réussir à faire passer villain en misant 2/3 pot, mais mon bluff est un peu weak et je me fais payer assez rapidement avec JTo. Back to 21K.


Rien à declarer sur les niveaux 5 et 6 que je termine avec 22K.


Niveau 7, 200/400 + 50: je raise KQo au hi-jack, payé par bouton et BB. Flop K8h2h. Je CB 2/3 pot quand bouton, joueur tight, me relance fort et se commit… J’ai du mal à le mettre sur une main à part tirage couleur. Il aura en effet très rarement 22, 88, KQ, AK, KK ou AA. Ne voulant pas jouer un gros coup dans cette situation inconfortable, je decide de folder. Vilain me révèlera avoir également KQ ! Puis j’élimine un short stack AQ vs 33. De retour à 25K.


Plusieurs petits coup sans grand intérêt se succèdent et me font monter à 27K, puis descendre à 20K, quand survient un coup important:


Niveau 9 blindes 300/600 + 75: je relance au cut-off avec JQo et suis callé par SB, joueur décent. Je vais devoir miser 3 streets sur 78s9s-3-5 pour réussir à le faire folder river. Ouf ! 27K.


Niveau 10 400/800: + 100: un petit rush de cartes me fait terminer la journée à 36K (moyenne 38K). Durant ce niveau, un joli pot sera joué à tapis pré-flop par 3 joueurs avec AA vs KK vs QQ !


AA vs KK vs QQ


Day 2A samedi 2 mars


Problème de metro à Bruxelles, je rate mon train et arrive avec une vingtaine de minutes de retard à la table, qui comprend Antoine Saout et le très sympathique régulier de l’ACF Stéphane Benadiba.


FLS vs Antoine Saout: le 29N est dans la place au CCM


Niveau 11 500/1000 + 100: Antoine Saout raise en MP, je 3-bet en BB avec QQ. Il folde. Trois mains après, j’élimine Stéphane Benadiba, short stack, avec QQ vs TT. Je grimpe à 55K.
 

Stéphane Benadiba, qui devrait mieux travailler ses 20/80


Rien à declarer sur les niveaux 12 et 13, la table est assez compliquée et j’ai très peu de spots. Je descends à 45K, moyenne 58K. Le rythme des éliminations est très rapide.


Niveau 14 1K/2K + 200: nouvelle table relativement difficile. Gros tapis relance 5K au bouton, je defends 33 en BB pour 6% de mon stack et suis heureux de flopper un brelan sur  Qs3s4. Je check-raise vilain, qui paye, pot environ 45K. J’envoie mon tapis 15K sur turn T. Vilain tank, puis réalise un étonnant fold face up avec AQ ! Up 62K.
Nouveau changement de table, je suis assis deux sieges à droite de la terreur online Chawips, le très sympathique Nicolas Chappuis. Pas d’action notable me concernant sur les niveau 15 et 16. Je termine la journée à 68K, moyenne 116K.



Day 3



203 joueurs left pour 160 places payées. J’arrive en forme au cercle Clichy-Montmartre après avoir couru le semi-marathon de Paris le matin-même (brag#1).


Niveau 17 2K/4K + 500: Table random avec toutefois 2 très gros tapis. J’avais décidé de ne pas subir la bulle, mais je ne trouve aucun spot décent, et le rythme élevé des éliminations ne faiblit pas. Au final j’arrive ITM avec 40K, soit seulement dix blindes.


Niveau 18 2,5/5K + 500: j’envoie tapis avec AK, payé un peu light par 88 en BB. Ma main se termine en flush sur la river. Pour la première fois j’ai mis en jeu mon tournoi. Je monte à 100K et suis déplacé à une nouvelle table.


Niveau 19 3K/6K + 500: énorme tapis au bouton raise à 12K, je defends A3s. Je check-raise villain sur un flop Ah8h3, il me paye. Pot 90K. Je mise tapis 72K sur turn brique. Interminable tank de vilain, qui finit par se level et me payer  avec A7o ! Il devait me voir sur le tirage flush. J’évite ses 3 outs et passe à 210K, moyenne 300K, 82 joueurs left.

Je suis déplacé à une nouvelle table pour les niveaux 20 et 21; j’y retrouve Chawips qui se laisse étonnamment déblinder jusqu’à 5BB.. avant de se faire éliminer. 

Chawips
 semble-t-il moins agro en live qu'online...


Je ne trouverai strictement aucun spot profitable durant ces niveaux. Le tournoi devait théoriquement se poursuivre jusqu’au niveau 23, mais le directeur du tournoi annonce en plein milieu de niveau 22 que l'on joue les 3 dernières mains de la journée… Avec 70K sur des blindes 6K/12K, je suis environ 50ème sur 54 joueurs left à ce moment du tournoi, et les paliers de gains étant très flats, je décide de gambler pour tenter au minimum de doubler mon tapis. Il m’est en effet pratiquement impossible de revenir jouer le lundi, je decide donc d’aller all in sur les trois dernières mains. Je remporte les blindes et antes sur le premier coup, mais perds ensuite 52ème (pour 1600€ de gains) avec 78o payé par AQ de Fateh Aïssi, qui terminera lui 7ème du tournoi.

Je suis très satisfait de ce tournoi, qui m’aura permis de bien progresser, notamment en ce qui concerne le bet sizing et le profiling des adversaires. J’obtiens aussi ma première ligne Hendon Mob (brag#2). Je remercie pour finir mes stakers GUM75, ElSebos, CosmicBat, EPS-Mill, TicTac56 & EndlessMaze pour leur confiance et leur soutien !

06/02/2013

Partouche, Pasqualini, Rossi & la triche (1)


Certains estiment que la triche dans le sport ou le jeu est une chose anecdotique. On peut penser au contraire  que la triche menace de mort les sports et les jeux en ce qu’elle touche à leur essence même, au principe central de compétition. A ce titre, la polémique qui enfle ces jours-ci autour de la régularité de la finale du Partouche Poker Tour 2009 est d’une importance majeure pour le poker.


Jean-Paul Pasqualini, vainqueur du PPT 2009 pour 1 million €

Une vidéo postée le 28 janvier dernier sur Youtube par l’ex-joueur devenu écrivain Nordine Bouya dénonce une collusion entre Jean-Paul Pasqualini et Cédric Rossi, respectivement vainqueur et runner-up de l’épreuve. Ces deux joueurs ont remporté à cette occasion pas moins de 1,6 millions d’euros à eux deux. La vidéo présente un code de communication gestuel peu élaboré visant à révéler à l’autre joueur ses cartes sur le principe « je me touche la tête: j’ai un as, je me touche le front, j’ai un roi », etc.

Si ce qu’on peut voir sur cette vidéo est perturbant, il est cependant difficile d’acquérir la certitude absolue quant à la culpabilité des deux joueurs, principalement en raison du faible nombre de mains montrées, argument exploité par Pasqualini dans un droit de réponse publié assez vite.

Depuis, un certain nombre de joueurs, principalement amis de Pasqualini et issus du circuit live (Hairabedian, Ktorza, Darcourt), ont pris position en faveur des deux joueurs, dénonçant une campagne de calomnie. D’autres, notamment des joueurs sponsorisés de la Team Winamax (Levy, Lacay, Riehl) ont au contraire publiquement dénoncé une tricherie.


 Jean-Paul Pasqualini (en noir) & Cédrc Rossi (en mauve).

Le 3 février, Nordine Bouya a publié un nouveau montage de la table finale, durant cette fois 32 minutes. Si la certitude absolue de la triche est difficile à obtenir, il apparaît dorénavant que celle-ci est quand même plus que probable.

D’autant qu’un certain nombre d’éléments de suspicion sont apparus depuis : si Pasqualini déclare dans un premier temps « tomber des nues », par la suite il dira savoir que ces rumeurs avaient déjà été portées à la connaissance du groupe Partouche en 2009. Par ailleurs, on apprend que Cédric Rossi purge actuellement une peine d’interdiction de jeu pour avoir triché lors d’un tournoi au casino de Gruissan (apparemment un vol de jetons lors d’une pause tournoi), ce qui ne plaide pas franchement en sa faveur, d’autant qu’il n’a pas pour l’instant souhaité réagir à ces accusations.

Cédric Rossi

Nul doute que la polémique va enfler et écornera encore un peu plus l’image du groupe Partouche dont le PPT a déjà été durement touché par deux autres scandales (triche avérée du joueur turc Ali Temkagnac et d’un complice en 2010 ; affaire du prizepool « garanti » de 2012). Mais pas seulement.  C’est bien l’image du poker tout entier qui risque de souffrir tant on sait qu’il suscite de nombreuses oppositions morales chez le grand public, dans les cercles religieux et politiques. Cependant, les conséquences d’un éventuel étouffement de cette affaire, en plus de constituer une faute éthique gravissime, seraient à n’en pas douter pire encore pour le poker.

09/01/2013

Quand le fisc check-raise les joueurs de poker… (suite)


Alors que la période des fêtes est traditionnellement moins porteuse en informations pokéristiques, l’actualité ne faiblit pas sur le front des redressements fiscaux visant les joueurs de poker de tournoi français. Bien au contraire.



Tous les témoignages convergent : le fisc a lancé une offensive de grande ampleur et semble adopter une posture jusqu’au-boutiste ne laissant que peu (en fait pas) de place à la discussion ou à la négociation. Le verdict rendu par le tribunal de Clermont-Ferrand déboutant le joueur Emile Petit faisant dorénavant jurisprudence, les services du ministère du budget redressent sans scrupule tous les joueurs ayant réalisé de gros gains live ou online au cours des années passées, en s’appuyant sur les fiches HendonMob et les résultats fournis par les opérateurs agréés par l’ARJEL. Dans la plupart des cas, les joueurs sont redressés sur la période 2010-2012 et doivent s’acquitter – en plus de l’impôt - de majorations pour non-adhésion à un centre de gestion,  activité occulte, et des traditionnels intérêts (4,8% tout de même). Soit quasiment 100% des gains perçus depuis 3 ans. Seule latitude offerte par le fisc aux joueurs-contribuables: soustraire au revenu imposable divers frais engagés par le joueur pour la pratique du poker : essentiellement transports, buy-in et matériel.



Sur le principe il est ben sûr tout à fait logique que les gains des joueurs réguliers résidant en France soient imposés au titre de l’impôt sur le revenu. Par contre, l’attitude de l’administration française est particulièrement cynique, au mois à deux titres :
   1) elle a organisé la légalisation du poker online hexagonal en 2010 sans accompagner ce processus par la mise en place d’un statut du joueur ni même – et c’était bien le minimum - communiquer auprès des joueurs sur la taxabilité de leurs gains à venir
   2) elle a clos de façon particulièrement abrupte le débat - sans même le trancher – concernant la qualification du poker comme jeu de hasard ou non alors qu’il s’agissait jusque-là d’un point crucial dans la mesure où il existe un principe de non-taxation des gains sur les jeux de hasard

Les joueurs ont été pris en traitre, et il reste à présent à mesurer l’impact de cette nouvelle jurisprudence (qui ne pourra être contestée sur le fond avant plusieurs années) sur l’industrie du poker de tournoi, live comme online. En effet, comment considérer que les joueurs professionnels ou semi-professionnels puissent continuer à jouer profitablement avec des gains imposés à près de 50% ? Par ailleurs, les rooms et les casinos français peuvent-ils continuer à faire de la publicité sur des montants de gains, désormais officiellement bruts et non plus nets ?

Les joueurs ayant opté pour l’expatriation auront donc eu raison. Ceux qui seront restés (ou qui seront revenus) en France, par naïveté ou pariant sur une normalisation en douceur de la situation, vont devoir à la fois se reconstituer une bankroll et émigrer au plus vite à l’étranger.