23/07/2012

Good run / Bad run


Une revisite des 3 derniers tournois live auxquels j´ai participé illustre parfaitement l´influence de la chance (et donc aussi de la malchance) au poker.


Acte 1 : 225€ freezeout, Cercle Clichy Montmartre, Paris (15/06/2012)

Après un bon démarrage suivi de la perte d´un gros coup, j´ouvre KK en position UTG sur des blindes 200/400. Mon stack est de 8500 jetons. Je relance à 1200 et suis suivi par UTG+2 , le bouton ainsi que les 2 blindes ! Le pot est donc déjà de 6000 lorsque le croupier dévoile un flop QT2 rainbow. Je décide de miser directement mon tapis, pour value et protection. UTG+2 décide alors de suivre. Les 2 joueurs suivants passent, mais la grosse blinde part dans une réflexion interminable. Sans vraiment de raison, je consulte à nouveau mes cartes, quand le joueur en question jette bruyamment AQ en avouant avoir vu les miennes ! Sick. UTG+2 montre KQo et n´a donc plus qu´un out, la dernière dame du paquet, plus quelques hypothétiques tirages quinte runner-runner. Pas de suspense : la dame sort directement sur le turn. J´avais un peu moins de 9% de chance de perdre ce coup.

Sick, sick, sick !


Acte 2 : 120€ freezeout, Casino de Bruxelles (15/07/2012)

Après un excellent démarrage, suivi d´une petite période de stagnation, j´ouvre ATs au cut-off sur des blindes également 200/400. Mon stack est d´environ 15000 jetons. Je décide de limper pour mixer mon jeu et je me fais relancer par le bouton, un joueur assez faible post-flop. J´égalise à 1600 et le pot est donc de 3800 lorsque le croupier dévoile un flop AT4. Je décide de check-raiser mon adversaire à tapis après une mise de ce dernier à 3000. Le pot est donc de 24600 jetons. Le bouton n´hésite pas beaucoup avant d´engager la moitie de son tapis restant, soit environ 9000 jetons, avec KQo, pour un simple tirage ventral. Un valet sur le turn scellera la fin de mon tournoi. J´avais environ 16% de chances de perdre ce coup. 

Si l´on considère cette séquence de coups, les seuls où j´ai engagé mon tournoi, la probabilité de les perdre tous les deux n´était que de 1.44%. Sick bad run !

 Y a combien au milieu ?


Acte 3 : 60€ freezeout, Casino de Namur (22/07/2012)

Après un démarrage catastrophique où je perds plus de la moitié de mon stack dans la première heure pour descendre à seulement 3900 sur les 10000 jetons, je vais en quelques heures parvenir à multiplier ce stack par 60 et finalement terminer en seconde position pour un gain de 700€ après un deal à 4 joueurs left, en ne perdant presque aucun des coups dans lesquels je me suis engagé : AQ vs 88, A8 vs 77, JJ vs TT vs 88, K5 vs Q4, KK vs 66, A6 vs KJ. Même en étant favori de chaque coup pris indépendamment, la probabilité de gagner consécutivement les 6 coups listés n´était elle que de 4.6% ! 

4-left à Namur, time 4 a deal ?

Il transparaît clairement de ces trois exemples ce que l´on savait déjà : le poker est  à la fois un jeu de stratégie et un jeu de hasard.

08/07/2012

Que faut-il penser du Big One ?


Principale attraction des WSOP cette année, le tournoi Big One One Drop à 1 million de dollars de buy-in organisé par Guy Laliberté a fait couler beaucoup d´encre. Reprenons les différents arguments avancés par les défenseurs et les opposants à ce tournoi démesuré pour tenter de nous faire une opinion.

 
Aspect publicitaire : pour les WSOP, il est évident que ce tournoi représente une très belle vitrine, de nature à rebooster les audiences moroses du poker à la télé américaine. Les audiences du streaming live proposé sur Internet ont été exceptionnelles, et nul doute que le  grand public se passionnera pour les retransmissions à venir de cet évènement démesuré. D´un autre côté, il est clair que plusieurs joueurs récréatifs se sont inscrits au tournoi dans le but de flatter leur égo et/ou en espérant des retombées publicitaires, soit directement pour eux, soit à travers de leur activité professionnelle. Le meilleur exemple demeure celui d´Arnaud Mimran, riche entrepreneur français ayant rendu public très tôt sa participation à l´événement, attirant les media sur sa personne, avant de se décommander au dernier moment. 

Aspect caritatif : sur ce point, difficile de polémiquer. Le rake exorbitant de 11,11% prélevé sur les 48 joueurs enregistrés a généré une cagnotte de plus de 5 millions de dollars en faveur de l´association One Drop, qui initie et gère des projets autour de l´accès à l´eau potable des populations déshéritées en Afrique et en Amérique du Sud.

 Guy Laliberté, le fondateur du Cirque du Soleil

Ethique : est-il moral de proposer un spectacle basé sur la richesse de quelques privilégiés en ces temps de crise internationale ? Si cette question n´est pas illégitime, même en y regardant de près, on n´a pas vu de manifestation des syndicats de chômeurs du Nevada demandant l´annulation du tournoi, ni de vrai débats sur les forums spécialisés poker. Par contre, au niveau de la discipline poker en elle-même, est-il normal que le vainqueur et le runner-up d´un tournoi à 48 joueurs s´emparent de la tête de la All Time Money List ? Sans doute pas, mais ce tournoi ne pose-t-il pas tout simplement (avec encore plus d´acuité) le problème déjà soulevé par l´existence des high-rollers à $100.000 qui ont fleuri un peu partout en marge des gros tournois internationaux ? 

Intérêt sportif : il est très faible. D´abord, le field était relativement moyen en raison de la très forte participation (plus de 40% du field) de businessmen, ayant pour la plupart une approche peu technique du poker. Par ailleurs, tous les joueurs étaient sur-stackés probablement entre 80 et 90% en moyenne (point confirmé par Jason Mercier, Elky ou Phil Hellmuth, ce dernier ne détenant que 15% de ses actions !), ce qui a pour effet de réduire drastiquement la dramaturgie autour de ce tournoi. Il faut ajouter qu´un grand nombre de joueurs auraient été stackés par Guy Laliberté lui-même ! Enfin, tout ceux qui ont pu visionner le streaming témoignent d´une action particulièrement lente (de 10 à 20 mains jouées par heure), ce qui contribue encore à diminuer l´intérêt du tournoi, et le mérite de son vainqueur, Antonio Esfandiari.

 18 millions de dollars pour Antonio Esfandiari... enfin au moins 15%.

La conclusion ? Une initiative généreuse a donné lieu à un tournoi spectaculaire à l´intérêt sportif quasi-nul. Pas vraiment de quoi s´enthousiasmer, mais pas la fin du monde non plus.