Alors que la période des fêtes est traditionnellement
moins porteuse en informations pokéristiques, l’actualité ne faiblit pas sur le
front des redressements fiscaux visant les joueurs de poker de tournoi français.
Bien au contraire.
Tous les témoignages convergent : le fisc a lancé
une offensive de grande ampleur et semble adopter une posture jusqu’au-boutiste
ne laissant que peu (en fait pas) de place à la discussion ou à la négociation.
Le verdict rendu par le tribunal de Clermont-Ferrand déboutant le joueur Emile
Petit faisant dorénavant jurisprudence, les services du ministère du budget
redressent sans scrupule tous les joueurs ayant réalisé de gros gains live ou
online au cours des années passées, en s’appuyant sur les fiches HendonMob et
les résultats fournis par les opérateurs agréés par l’ARJEL. Dans la plupart
des cas, les joueurs sont redressés sur la période 2010-2012 et doivent
s’acquitter – en plus de l’impôt - de majorations pour non-adhésion à un centre
de gestion, activité occulte, et des
traditionnels intérêts (4,8% tout de même). Soit quasiment 100% des gains
perçus depuis 3 ans. Seule latitude offerte par le fisc aux joueurs-contribuables:
soustraire au revenu imposable divers frais engagés par le joueur pour la
pratique du poker : essentiellement transports, buy-in et matériel.
Sur le principe il est ben sûr tout à fait logique que
les gains des joueurs réguliers résidant en France soient imposés au titre de
l’impôt sur le revenu. Par contre, l’attitude de l’administration française est
particulièrement cynique, au mois à deux titres :
1) elle a organisé la légalisation du poker online
hexagonal en 2010 sans accompagner ce processus par la mise en place d’un
statut du joueur ni même – et c’était bien le minimum - communiquer auprès des
joueurs sur la taxabilité de leurs gains à venir
2) elle a clos de façon particulièrement abrupte le
débat - sans même le trancher – concernant la qualification du poker comme jeu
de hasard ou non alors qu’il s’agissait jusque-là d’un point crucial dans la
mesure où il existe un principe de non-taxation des gains sur les jeux de
hasard
Les joueurs ont été pris en traitre, et il reste à
présent à mesurer l’impact de cette nouvelle jurisprudence (qui ne pourra être
contestée sur le fond avant plusieurs années) sur l’industrie du poker de tournoi, live
comme online. En effet, comment considérer que les joueurs professionnels ou
semi-professionnels puissent continuer à jouer profitablement avec
des gains imposés à près de 50% ? Par ailleurs, les rooms et les casinos français peuvent-ils continuer
à faire de la publicité sur des montants de gains, désormais officiellement bruts et non plus nets ?
Les joueurs ayant opté pour l’expatriation auront donc
eu raison. Ceux qui seront restés (ou qui seront revenus) en France, par
naïveté ou pariant sur une normalisation en douceur de la situation, vont
devoir à la fois se reconstituer une bankroll et émigrer au plus vite à l’étranger.